Titre : Avant de t'oublier.
Auteur : Rowan Coleman.
Genre : Contemporain.
Edition : Milady._
Nombre de pages : 435 pages.
Prix : 18.20€.
Résumé :
Votre âge. Votre adresse. Le visage de votre amant. Jusqu'au nom de votre premier enfant. Que feriez-vous si tous ces souvenirs commençaient à s'effacer ?
Pour lutter contre sa mémoire à la dérive, Claire note dans un carnet les souvenirs qui sont encore intacts. Ce carnet, c'est tout ce qui restera d'elle. Claire souffre d'une forme précoce de la maladie d'Alzheimer. En quelques mois à peine, aller au bout de la rue est devenu une expédition, emmener sa fille au parc, un périple. À tel point que sa mère la traire comme une enfant, que son mari est désormais un étranger, et que les mots lui manquent pour dire à ses filles, dans ses moments de lucidité, combien elle les aime et craint de les perdre pour toujours. Dans ces conditions, comment profiter des derniers jours avant l'oubli ?
Extrait :
Greg s'assied sur le canapé près de moi.
- Je me disais, on devrait peut-être prendre un rendez-vous avec ta conseillère ensemble, non?
- Ma conseillère...
Je répète le mot lentement, avec précaution. J'avais oublié que j'avais un conseiller, c'est intéressant. Car jusqu'à aujourd'hui, malgré toutes les choses que j'ai oubliées, je n'ai pas oublié une seule seconde que j'ai la maladie. Même quand j'oublie que le présent est le présent et que je m'en vais ailleurs, la maladie est toujours là, tapie, tel le bourdonnement distant d'un néon. Alors si j'ai oublié Diane jusqu'à ce qu'il y fasse allusion - Diane, ma gentille, trop cultivée et très agaçante conseillère - eh bien, cela signifie peut-être quelque chose. Comme par exemple que, sans même m'en rendre compte, j'ai reculé un peu plus loin dans les ténèbres.
- Je ne suis pas prête, dis-je tout haut.
- Je ne voulais pas dire tout de suite, corrige Greg. (Sa main flotte un instant au-dessus de la mienne, puis il la retire.) Mais je pourrais appeler pour prendre un rendez-vous. Honnêtement, Claire, je croyais être capable de gérer tout ça mieux que je n'y arrive en réalité. Je pensais qu'il me suffirait d'être courageux, stoïque, de tout porter à bout de bras. Je n'avais pas envisagé que ça puisse avoir un impact sur nous. Tu me manques et je ne sais pas comment gérer la façon dont les choses ont évolué.
Je ne réponds rien pendant un moment. J'essaie de comprendre pourquoi certaines choses me restent et d'autres non ; pour quelle raison Diane m'est complètement sortie de l'esprit, alors que je me rappelle chaque détail des vingt minutes que j'ai passées à la bibliothèque avec Ryan. Pourquoi mon cerveau me donne-t-il ça afin que je m'y raccroche, quand il me refuse le souvenir de l'amour que j'éprouvais pour Greg ? Je le regarde. Il est tellement gentil. Le rencontrer a été une bénédiction pour moi, d'autant qu'il m'a donné Esther, alors pourquoi mon cerveau ne veut-il plus me permettre de ressentir ces sentiments maintenant, à un moment où ça me ferait tellement de bien ?
- Je suis désolée, lui dis-je enfin. (Il lève les yeux vers moi, scrute mon visage comme pour vérifier que c'est vraiment moi.) Je ne veux pas te blesser. C'est même la dernière chose dont j'ai envie. Tu es un homme tellement bon et un père fabuleux. Et tu es vraiment gentil avec moi. À ta place, j'aurais plié bagage et je me serais déjà tirée depuis longtemps.
- C'est précisément ce que je veux éviter, commente-t-il. Je ne pourrai jamais te quitter, Claire.
- Merci, dis-je avec un sourire.
C'est pour lui que je le fais, ce sourire. Car si la maladie découpe des morceaux de moi, ou qu'elle les étouffe, je reste moi. Je sais encore ce qui est bien et ce qu'il faut faire. Et je veux être la meilleure épouse possible jusqu'à mon dernier souffle, même si cela implique de réapprendre la politesse. Je finis par capituler.
- D'accord. Prends rendez-vous et nous irons ensemble. On ne sait jamais, ça pourrait aider.
- Merci, dit-il en prenant soin de maîtriser ses émotions. Merci. Bon, il faut que je parte au travail. Qu'est-ce que tu vas faire aujourd'hui ?
- Eh bien, ma geôlière m'a consignée, du coup je vais sans doute jouer avec Esther et écrire un peu dans mon carnet. J'espère que Caitlin va prendre contact avec le parleur, pour me raconter comment elle va. Je suis certaine qu'elle me donnera des ses nouvelles dès qu'elle sera prête.
- J'en suis certain, oui. Bien, alors à ce soir.
Avis :
Cela fait bien longtemps que je n'ai pas versé de larme pour une histoire... Mais avec celle-ci, prenez des mouchoirs. Ce livre est d'un bouleversement, pas pour Claire, la femme atteinte de la maladie d'Alzheimer mais plutôt pour sa famille. Ce roman raconte une leçon de vie ; de tout ce que peux faire une mère pour son enfant, tout ce qu'un mari est capable de supporter pour sa femme et tout ce que les mensonges peuvent engendrer. Le carnet des souvenirs prend une place essentielle dans l'objet, les souvenirs de Claire tout comme ceux de son mari, de Ruth sa mère et de sa fille ainée y sont narrés, avec des déclarations d'amour précieuses et presque primitives. Ce n'est pas une romance et encore moins un roman dramatique, c'est bien plus que ça ; tellement plus... C'est avant tout un livre globalement centré sur l'existence, sur le bonheur envolé d'une famille, sur les pertes douloureuses de Claire qui ne s'en rend pas forcément compte dans ces moments-là, sur un époux devenant très vite un étranger, sur les non-dits et les histoires qui se répètent.
Claire est une mère et une épouse aimée, une guerrière de la vie. Souffrant d'une forme précoce de la maladie d'Alzheimer, sa mémoire commence à partir ; en s'en allant et en revenant. Elle sait encore qui elle est, mais par moment elle oublie son environnement ou l'époque dans laquelle elle vit, les mots s'envolent aussi et Greg n'est plus qu'un inconnu à ses yeux. Franchement comme ne pas apprécier cette femme ? Elle est tout ce que j'ai envie d'être dans un sens : indépendante, forte et intelligente. Claire choisit d'élever Caitlin loin de son père, décidant de ne pas lui dire qu'elle est enceinte ; c'est sa plus belle réussite et en même temps sa plus grosse erreur, en particulier quand elle donne à penser à sa fille que son géniteur l'a abandonné. Je ne me suis pas attachée à son héroïne, ni à sa maladie, juste à sa spontanéité et à son combat touchant.
Pour Caitlin, c'est différent. 21 ans et elle quitte tout ce qui peut la retenir loin de sa mère. Mais cet abandon n'est pas anodin, étant égoïste par la même occasion : la maladie de Claire est une excuse en plus. Dans un instant important de sa vie, elle préfère prendre la fuite plutôt que d'assumer les choses. Jeune et mal dans sa peau, Caitlin est encore dans la recherche d'elle-même et de son avenir. Je crois d'ailleurs que c'est pour cette raison que je me suis prise d'affection pour cette « grande fille ». Mais plus les pages tournent et plus son personnage évolue, ressemblant de plus belle à sa mère ; prenant son caractère de femme solide et j'ai adoré cette progression chez Caitlin.
Ruth, la mère de Claire, est une femme paraissant froide de premier abord, surtout dans les propos qu'elle tient avec sa fille. Mais c'est une maman bienveillante, l'aidant au moment de la naissance de Caitlin. Cependant elle traite sa fille comme une enfant, ne percevant seulement plus que sa maladie. Pourtant elle a déjà vécu ce genre de période cruelle avec son propre mari, le père de Claire.
Greg, mari de Claire et père d'Esther. C'est le héros le plus émouvant du récit, à chaque fois je versais des larmes de crocodiles pour lui, de plus dans ses écrits pour le carnet des souvenirs j'en ai eu des frissons. Il est intriguant, du début à la fin ; ce protagoniste est un réel mystère. J'ai eu du mal à le cerner, mais qu'est ce que j'ai pu m'attacher à ce jeune homme. Il aime une femme plus âgée que lui de 10 ans, son amour pour elle ne s'éteint guère avec la maladie de cette dernière. C'est un homme mûr, un peu sur la réserve et avec beaucoup de cœur.
Esther est une gamine adorable, très capricieuse mais toujours dans son monde. C'est l'héroïne toute légère de l'histoire. Je l'ai bien aimé cette petite fille. Et puis il y a Ryan ; un protagoniste « mystère ». Est-ce un ange gardien ? Un simple gentilhomme ? Un inconnu de passage ? Je me suis vaguement doutais de son identité mais franchement je n'en étais pas certaine, mais je n'en dis pas plus à son sujet.
La synopsis est intéressante et malgré que ce soit du Contemporain, les rebondissements sont présents. L'histoire est authentique, sortant de l'ordinaire ; le thème principal est encore tabou pourtant il est réel. Avec ce roman, je n'ai eu aucune idée de comment ça allait se finir ; bien ou mal ? Le suspense est donc intarissable. En vérité le point important de cette œuvre c'est la retranscription des émotions, étant développées avec clarté et beauté ; l'histoire est douce-amère, il y a beaucoup d'instant triste et de temps en temps des passages donnant le sourire. Mais sincèrement cet ouvrage est sombre et les sentiments sont affligeants ; j'ai pleuré et éprouvé des frissonnements.
Waouh ! Juste Waouh ! La plume de Rowan Coleman est l'une dès plus belle que j'ai pu découvrir au jour d'aujourd'hui. Les descriptions, la façon dont il met le personnage de Claire en vie, chaque pensée de cette dernière est approfondie, chaque émotion est détaillée. Son écriture est tout ce que j'aime, de la poésie à l'état pur ; les phrases sont tellement riches et somptueuses, pleine de grâce et de puissance. Avec son livre, Rowan Coleman fait passer plusieurs messages à la fois ; dont celui que l'amour est plus fort que tout, que l'éloignement, que la maladie et que la mort. Une auteur que je ne suis pas prête d'oublier.
« Avant de t'oublier » fait face au même genre d'émotion que pour « Avant toi » de Jojo Moyes ; peut-être même en meilleur puisque ce récit est encore plus fort, que ce soit avec les souvenirs laissés dans le carnet ou encore avec l'esprit de Claire se détériorant à petit feu. De plus les fragments de Greg dans ce roman sont bien trop émouvants, bien trop brise-cœur pour ne pas être profondément bouleversée par ce jeune héros, brassant à cœur perdu le trouble sans fin de sa femme. Une découverte magnifique, d'une famille soudée où la tolérance est le maître mot ; d'une fille, d'une mère et d'une épouse atteinte au cerveau se battant contre tout attente envers ses pensées intenables ; d'un homme n'étant plus rien aux yeux de sa compagne mais en restant auprès d'elle ; d'une fille s'interrogeant sur elle-même et sur son avenir tout en pensant à sa mère. Ce n'est pas léger comme récit, tout est dur et sûrement possible dans la réalité, l'aspect « histoire vraie » est poignant.
Note :
9.5/10.
Un sujet terrible mais le roman est touchant sans tomber dans le pathos.. j'ai beaucoup aimé!
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