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12 août 2022

En voiture, Simone !


Titre : En voiture, Simone !
Auteur : Aurélie Valognes.
Genre : Contemporain.
Edition : Le Livre de Poche.
Nombre de page : 241 pages.
Prix : 7.20€.


Résumé :

 Pour une comédie familiale irrésistible, il vous faut : un père, despotique et égocentrique, Jacques. Une mère, en rébellion après quarante ans de mariage, Martine. Leurs fils, Matthieu, éternel adolescent mais bientôt papa de trois enfants ; Nicolas, chef cuisinier le jour et castrateur tout le temps ; Alexandre, rêveur mou du genou. Et... trois belles-filles délicieusement insupportables ! Stéphanie, mère poule angoissée ; Laura, végétarienne angoissante ; Jeanne, nouvelle pièce rapportée, féministe et déboussolée, dont l'arrivée va déstabiliser l'équilibre de la tribu. Mettez tout le monde dans une grande maison en Bretagne. Ajoutez-y Antoinette, une grand-mère d'une sagesse à faire pâlir le dalaï-lama, et un chien qui s'incruste. Mélangez, laissez mijoter... et savourez !


Extrait :

 Ils étaient tous arrivés. Nicolas et Jeanne en même temps qu'Alexandre et Laura. Cela en faisait du monde. La longue table de cuisine était dressée pour dix. Les deux jeunes garçons étaient déjà assis et engloutissaient les pâtes à la bolognaise de leur grand-mère. Posté à un angle, le jack russel de Laura guettait la moindre opportunité de grappiller un peu de nourriture.
- À table tout le monde ! cria Martine. C'est prêt et ça va refroidir.
- On ne prend pas l'apéro ? Pour fêter les vacances ? proposa Jacques.
- Pas midi et soir, papa, lui rappela Nicolas. N'est-ce pas, maman ? Jeanne, tu termines ta cigarette, on passe à table !
- Fumer avant de manger... On aura tout vu ! Ça tue le goût et ça va finir par être un handicap dans son métier, insista Jacques en observant sa belle-fille, dehors sous le crachin breton.
- À sa décharge, tout le monde fume au restaurant. Mais il pue, ce chien ! remarqua Nicolas.
- Ah, merci ! fit Jacques. C'est une vraie infection, je suis d'accord. Si tu pouvais le dire à Laura pour qu'elle le fasse sortir de la cuisine, tu nous sauverais. Si c'est moi qui le demande, je vais encore me faire envoyer balader.
Stéphanie entra dans la cuisine et mit les mains sur sa bouche.
- C'est quoi cette odeur ? On dirait que quelqu'un a vomi !
- On soupçonne le chien, avança Jacques, content, pour une fois, de trouver en Stéphanie une alliée potentielle.
- De toute façon, ce n'est pas hygiénique, un chien dans une cuisine, enchaîna Nicolas.
- Laura, il pue ton chien ! lança Stéphanie. Tu ne l'as jamais lavé ou quoi ? J'ai envie de vomir. Je suis désolée, mais il ne reste pas dans la cuisine. Allez, oust, Jack ! ordonna-t-elle en le poussant du pied.
Laura saisit l'animal pour le collier et le fit sortir à contrecœur de la cuisine. Quand elle revint, Jacques lui demanda :
- Pourquoi « Jack » déjà ?
- Et pourquoi pas ? Vous êtes content : j'ai mis le chien dans la pièce du fond...
- Moi, je n'ai rien dit ! se défendit Jacques. À table, tout le monde ! On va encore manger froid sinon.
- Ne crie pas, papa, on est tous là, fit observer Matthieu.
- Eh bien asseyez-vous, si vous êtes prêts. Il n'y a pas de plan de table, on n'est pas chez les Rothschild. Voilà, on va commencer à manger et les petits ont déjà fini ! remarqua Jacques, irrité. Servez-vous en asperges ! Mais où est passée Martine maintenant, il ne manque plus qu'elle. Martiiiiiiiiiiiiiine !
- Je suis là, ce n'est pas la peine de crier. J'étais allée chercher la bouteille de vin. Jeanne, tu nous expliques ce que tu as apporté ?
- Alors c'est un petit vin italien, un chianti, cépage sangiovese principalement. Il ira très bien avec la sauce tomate.
- Merci Jeanne. Stéphanie, je ne t'en propose pas ? tenta Jacques.
- Non merci, ce serait avec plaisir, mais je n'ai vraiment pas le droit.
- Vous avez vu ! continua Jacques, à une lettre près, chianti, ça s'écrit comme chiante... Tu as vu, Stéphanie ?
- Pourquoi vous me dites ça à moi ?
Sans même répondre, il se tourna vers son autre bru :
- Laura ? Il semble être sans sulfites. Tu en veux ? Tu ne prends pas d'asperges ? Elles sont bio pourtant. Martine est allée les acheter chez Biocoop spécialement pour toi.
- Non, merci, je n'aime pas les asperges, précisa Laura.
- Mais qu'est-ce que tu aimes, comme fruits et légumes ? Que l'on sache une bonne fois pour toutes... Si je me souviens bien, tu n'aimes pas la betterave, le kiwi, et maintenant les asperges. Ce n'est pas un peu contraignant quand on est végétarienne ?
- Ce n'est pas tout à fait ça. Le kiwi, je suis allergique.
- Moi, j'ai entendu dire qu'il y avait des allergies croisées entre le kiwi et le latex, dit Jeanne. C'est vrai, Laura ?
Laura devint toute rouge. Nicolas donna un grand coup de pied sous la table à Jeanne.- Si Laura était allergique au latex, ça ferait longtemps qu'on aurait des petits-enfants, plaisanta Jacques.
- Mais vous avez déjà des petits-enfants ! riposta Stéphanie.
- Non, je veux dire... Bon, on l'ouvre cette bouteille, ou on ne fait que la regarder ?
- Oui, on a bien compris ce que tu voulais dire. Laisse Laura tranquille, implora Martine en se levant. C'est plus que limite, Jacques ! Laura, veux-tu des radis ou du concombre du jardin à la place des asperges ? Je te les prépare, cela prend deux secondes. Tu vas manger quelque chose quand même ?
Jacques, occupé à sucer et resucer son pain plein de vinaigrette, essuya le regard réprobateur de Martine.
- Tu me passes le pain qui est devant toi, Jeanne ? demanda-t-il pour redresser le cap.
- Pardon, je n'ai pas entendu. Le quoi ? Le paing ? questionna Jeanne de son accent chantant.
- Chez nous, on dit le « pain », dit Jacques en corrigeant l'accent méridional de sa belle-fille.
- Et chez moi on dit « s'il vous plaît » ! rétorqua Jeanne.
- Quelqu'un veut finir les trois dernières asperges ? proposa Martine pour couper court.
- Si personne n'en veut, je me dévoue, dit Stéphanie.
- Tu es sûre ? demanda Matthieu en faisant les gros yeux sur le ventre rebondi de son épouse, qui le fusilla du regard en saisissant tout de même le plat.
Le silence se fit. Ce fut le moment que Paul et Jules choisirent pour sortir de table et aller jouer au salon, trouvant sans intérêt la conversation des adultes, au vu du peu de gros mots prononcés.
- Allez, donnez-moi vos assiettes, les jeunes, que je vous serve les pâtes ! reprit Martine.
- Nous aussi on a des pâtes ? interrogea Jacques en faisant une moue déçue, tendant tout de même son assiette.
- Je ne sais pas, tu as préparé autre chose ? Allez, j'ai dit « tendez-moi vos assiettes, les jeunes », précisa Martine en repoussant l'assiette de son mari. Laura ?
- Euh, oui. Il y a juste de la tomate ou aussi de la viande dans votre bolognaise ? s'inquiéta Laura.
Exaspérée, Martine lâcha brusquement la louche dans le plat, éclaboussant la chemise de Jacques.
- Martiiiiiiiine ! Mais quelle cloche ! Je suis couvert de sauce tomate. Ce n'est pas vrai !
- T'avais qu'à mettre ta serviette bien comme il faut, je te ferais dire !
C'était la petite voix enfantine de Paul, qui depuis le salon, rappelait les règles de base à son grand-père, déclenchant malgré lui le fou rire des trois belles-sœurs.


Avis :

 Pour être sincère, c’est le seul roman de l’auteure me transmettant de l’exaspération. Je n’ai pas détesté, loin de là, juste que cette œuvre soit tellement pleine de jugements, de faux-semblants, de fierté ; c’est forcément dérangeant. La rancœur est une émotion difficile à supporter, et habituellement je passe un bon moment avec les livres de Aurélie Valognes, pour « En voiture, Simone ! », ce n’est pas le cas. Tout est dans l’exagération, l’humour est inondé par l’amertume, et les personnages sont hypocrites. Certes, le récit donne une vision de la belle-famille, pas toujours raccord et le sujet est intéressant ; sauf qu’il est traité avec excès à chaque rebondissement. Et d’une autre part, l’ensemble n’est pas réellement développé, bien souvent les passages et dialogues sont expédiés, l’histoire est brusque et rapide.

Jacques n’est pas un mauvais père, mari ou beau-père ; mais il a son caractère et n’est pas toujours délicat dans ses propos. Je me suis attachée à ce personnage pour une seule raison, la compréhension. Son besoin de rester chez lui tranquillement avec ses habitudes, son honnêteté parfois grossière, ses exigences de temps en temps oppressantes pour les autres. Il est imparfait, entièrement, et pourtant c’est le seul protagoniste du roman à être sincère. Cependant, je n’ai pas eu droit à sa voix personnelle, cela est regrettable ; ses pensées les plus profondes manquent à l’appel et laissent un mystère peut-être superflu. Jacques est un héros à lui tout seul, un homme jugé alors qu’il reste lui-même ; ses véritables défauts étant l’inattention et des impairs discutables.

Du fait de mon ressenti concernant les personnages, sur ce paragraphe, je vais tenter de les décrire pour la plupart. Ils sont de mon point de vue, secondaires, malgré une observation d’ensemble. Martine est la mère de la famille Le Guennec, certes, sa crise de femme souhaitant faire ce dont elle a envie après plus de quarante ans de mariage, est légèrement pathétique ; néanmoins, cela est admirable. Je ne l’envie pas, je suis déjà moi-même comme ça. Il faut savoir penser à soi et c’est ce qu’elle compte faire. Elle sait être autoritaire, je crois que je l’ai bien aimé. J’ai une préférence pour Antoinette, la maman de Jacques, c’est une femme avisée, pleine de bons conseils. De plus, sa gentillesse est douce comme une peluche, en revanche, elle n’est pas si présente que ça dans le récit. Laura et Stéphanie m’ont mise sur les nerfs, je n’ai pas réussi à les apprécier à leur juste valeur ; elles ne montrent pas leurs qualités. Heureusement, Jeanne est plutôt agréable, une belle-fille correcte et perdue. Les fils font partie de l’intrigue ; or, ils ne participent pas concrètement à l’histoire.

Une lecture originale, c’est certain. Cependant, beaucoup d’aspects sur cette histoire m’ont fait grimacer. Les protagonistes sont désolants, je ne sais vraiment pas quoi penser des sentiments partagés entre eux. D’ailleurs, les émotions communiquent de la perplexité et de l’agressivité. Aucune douceur, ou allégresse en dehors de la fin ; et j’ai eu la sensation de tourner en rond avec ce livre. Beaucoup de répétition et de piétinement, alors que l’œuvre est courte. En outre, on discerne des touches de mystère, je n’ai pas trouvé cette notion indispensable, surtout avec un récit succinct et étant sur un style très allégé. L’action est sans répit, c’est d’ailleurs mon plus grand reproche ; des événements sans queue ni tête et très imagés. Au fond, j’ai été à deux doigts d’être entièrement déçue par « En voiture, Simone ! ».

L’écriture de l’auteure n’est pas forcément très différente de ses autres romans. Néanmoins, dans ce texte, la simplicité est de mise, et l’humour n’est pas harmonieux. Les dialogues ne sont pas recherchés, certains sont heureusement enrichissants. Aurélie Valognes écrit avec la troisième personne du singulier, et je n’apprécie pas vraiment ce style-là, cela entraîne beaucoup de lacunes sur le développement. Évidemment, c’est fluide ; sûrement à outrance. Habituellement, sa plume me séduit suffisamment pour estimer dans le bon sens ma lecture, là, je suis tout simplement indifférente.

En bref, je ne suis pas convaincue par ce titre de l’auteure. Pour l’instant, c’est ma seule mésaventure avec Aurélie Valognes. Malgré tout, le personnage de Jacques est légèrement attachant, et particulièrement pour moi, je me sens proche de son style de vie. Pour les autres, en dehors de Antoinette, Jeanne et Martine, je n’ai ressenti que de l’amertume ou un détachement profond. Le récit est clairement nouveau, jamais abordé ; il est instructif, dommage qu’il soit dans l’excès et mal introduit. « En voiture, Simone ! » raconte l’histoire d’une famille souvent en tension, où les mots peuvent blesser et où les opinions ne prennent pas de gants. Les sentiments extraits de ce livre sont pour moi néfastes, et ne correspondent pas du tout à mes valeurs de vie. Le récit est naturel, sans être sincère ou vrai ; cette comédie familiale m’est passée au travers. La plume de Aurélie Valognes est cette fois frustrante, la manière dont elle a écrit ce synopsis me laisse un goût amer. Ce n’est aucunement généreux ou chaleureux, tout juste léger et divertissant.


Note :
6/10.

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