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8 janv. 2020

Mémé dans les orties.


Titre : Mémé dans les orties.
Auteur : Aurélie Valognes.
Genre : Contemporain.
Edition : Le Livre de Poche.
Nombre de page : 252 pages.
Prix : 7.20€.


Résumé :

 Ferdinand Brun, 83 ans, solitaire, bougon, acariâtre - certains diraient : seul, aigri, méchant -, s'ennuie à ne pas mourir. Son unique passe-temps ? Éviter une armada de voisines aux cheveux couleur pêche, lavande ou abricot. Son plus grand plaisir ? Rendre chèvre la concierge, Mme Suarez, qui joue les petits chefs dans la résidence. Mais lorsque sa chienne prend la poudre d'escampette, le vieil homme perd définitivement goût à la vie... jusqu'au jour où une fillette précoce et une mamie geek de 92 ans forcent littéralement sa porte, et son cœur.
Un livre drôle et rafraîchissant, bon pour le moral, et une véritable cure de bonne humeur !


Extrait :

Mais deux coups se font entendre. Ferdinand pousse un grognement, chausse ses patins et glisse vers la porte. En se baissant vers l’œilleton pour identifier le malotru : personne ! Tout ça pour ça... Ferdinand est encore appuyé contre la porte, l’œil inquisiteur, quand on sonne à nouveau. Qu'est-ce que c'est que cette blague ? Le vieil homme ouvre violemment la porte. Là, sur le paillasson, une petite fille. Toute frêle, en salopette et marinière. Elle n'a pas le temps d'ouvrir la bouche que Ferdinand l'arrête net :
- Pas la peine de te fatiguer, petite, j'ai déjà mon calendrier. Passer au mois d'avril n'est pas très fute-fute.
Il referme la porte quand une chaussure, pointure 34 à vue de nez, la bloque. Stupéfait, Ferdinand regarde la petite entrer chez lui et s'installer dans la cuisine.
- Non mais qu'est-ce que tu fais, là ? Je rêve ! Sors de chez moi, gamine. Illico !
- Si je peux me permettre, vous avez une tête d’œuf de Pâques ! Moi, si je devais me suicider, je ne me jetterais pas sous un bus. Trop de risques de se rater, non ?
La mâchoire de Ferdinand s'apprête à lâcher quand la petite enchaîne :
- J'ai apporté des pâtes de fruits. Je me suis dit que ça nous ferait un dessert. Je parie que vous n'avez rien dans votre frigo.
Elle se lève et ponctue son inspection rapide d'un « bingo ! ». Ferdinand, interdit, observe sidéré cette petite qui déambule chez lui. Personne n'a mis les pieds dans sa cuisine depuis des années. Personne !
- Il faudra faire un sérieux coup de ménage avant que Mme Suarez vienne chez vous mercredi. Sinon, c'en est fini ! conclut la petite fille en se rasseyant.
Trop, c'est trop. Ferdinand parvient enfin à laisser sortir des bribes de pensée de sa bouche :
- Non mais, t'es qui toi, d'abord ? Et qu'est-ce que tu fais dans ma cuisine ? Et on me parle pas comme ça ! Non, mais oh...
- Je suis venue déjeuner ! Je n'aime pas la cantine. Moi, c'est Juliette. Je vais vous appeler Ferdinand, ce sera plus simple.
- Je vais le répéter qu'une fois : tu prend tes cliques et tes claques et tu fiches le camp d'ici. Effrontée !
- Je me disais que vous auriez peut-être besoin de vos médicaments. Non ? Vous les avez oubliés à la pharmacie.
Juliette pose le sac plastique de la pharmacie sur la table et reprend :
- Heureusement que je suis là ! Bon, on mange quoi ? Je meurs de faim. Jambon-coquillettes ? Vous avez une fourchette quelque part ? Je ne suis pas très petite cuillère... Je laisse ça à ma sœur Emma. Elle a un an et demi. Je crois que vous l'avez déjà rencontrée, mon père aussi d'ailleurs. On vient d'emménager à l'étage au-dessus, dans l'appartement de la coiffeuse. Il paraît qu'elle a décidé de partir parce qu'elle devenait méchante. J'ai rien compris...
Ferdinand reste coi. Il tombe sur sa chaise et désigne du doigt le tiroir du vaisselier, où sont rangés les couverts.


Avis :

 Cette lecture est une très belle surprise, j’ai bien aimé le personnage principal malgré son caractère bougon. Il y a une leçon de vie dans ce roman et des sujets intéressants, par contre le dénouement est légèrement décevant. L’écriture de l’auteur est vraiment agréable, ça contient de l’humour, mais aussi des sentiments profonds comme la solitude de l’homme. Ce n’est pas qu’une fiction cette histoire, elle est certainement inspirée par des faits réels. À la fois léger et drôle, ce récit trace l’évolution d’un Monsieur âgé en quelques mois ; du coup, l’ouvrage est touchant, parfois énervant, un peu diabolique et totalement décalé.

Ferdinand Brun n’est pas tout jeune et tout gracieux. Sa personnalité est haute en couleur, au début il donne une mauvaise impression ; bougon et pas très ouvert aux autres. Mais sa solitude est bouleversante, tout comme sa simplicité. Je me suis prise d’affection pour ce héros, le caractère qu’il a n’appartient pas qu’à lui. En effet, certaines personnes peuvent réellement être comme ce Monsieur. C’est un personnage sincère, vrai, sans aucun faux-semblant ; pas plus méchant qu’un autre, juste revêche avec un cœur pas tellement fermé. Je n’ai pas forcément l’habitude de côtoyer ce style de protagoniste dans mes lectures, mais c’est rafraîchissant et Ferdinand offre de l’expérience et de l’honnêteté.

Juliette et Béatrice, une petite fille et une dame âgée ; ensemble, elles vont remettre de l’ordre dans la vie de Ferdinand. Juliette est sans gêne, mais elle est très intelligente. Je l’ai adoré et je me suis vraiment attachée à elle. Pour Béa, je suis mitigée ; elle indique des signaux et fait espérer à plus que de l’amitié. Elle est bienveillante, agréable et pleine d’enthousiasme ; elle aime recevoir du monde et discuter et elle détient beaucoup de points communs avec son voisin.

Sincèrement, j’ai bien aimé cette lecture, il y a une grande part de mystère. Un exploit pour ce style de roman, d’autant plus qu’il est plutôt court. Ensuite, les émotions se déchaînent, entre la peur de Ferdinand de partir en maison de retraite, la haine de Madame Suarez, la profonde gentillesse de Béactrice et la joie de vivre de Juliette ; impossible de respirer, de souffler avec ce récit déjanté et néanmoins vrai. C’est une histoire distrayante, avec ses hauts et ses bas, une intrigue originale et farfelue, un bon mélange de problèmes quotidiens et une leçon de vie.

Aurélie Valognes possède une plume captivante, elle nous envoûte du début à la fin. Le livre est écrit à la troisième personne du singulier, ce n’est pas la structure que j’affectionne le plus ; malgré tout, les émotions viennent à nous et on découvre réellement les protagonistes. Une écriture douce, drôle et très rythmée.

La révélation finale est tout de même étonnante, j’apprécie énormément le fait d’être stupéfié par un contemporain. Certes, ce n’est pas mon style habituel de lecture et c’est un livre assez court, toutefois j’ai adoré passer un moment avec Ferdinand, Juliette et Béatrice. Aurélie Valognes est une auteur que je découvre avec un certain plaisir, je ne suis pas déçue ; au contraire, c’est une très grande surprise. Son humour, sa sagesse, un roman offrant du développement personnel. Entre mesquinerie et péripéties extravagantes, le divertissement est bien présent tout comme l’originalité. L’ironie ne vainc pas les autres émotions, il y a un bel équilibre. Cependant, malgré tous les points positifs que j’ai mentionnés, le coup de cœur n’y est pas. Le dénouement est précipité, et je n’adule pas spécialement les récits racontés à la troisième personne.


Note :
8/10.

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