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25 janv. 2019

Mémoire d’elles.


Titre : Mémoire d'elles.
Auteur : T. Greenwood.
Genre : Contemporain.
Edition : Milady.
Nombre de pages : 571 pages.
Prix : 8.20€.


Résumé :

La mémoire est comme l'eau. Elle s'infiltre et inonde. Elle peut vous rendre léger comme une plume ou vous noyer. Ainsi sont mes souvenirs d'Eva : rêves liquides d'un passé aussi insaisissable qu'un morceau d'océan. Certains jours, ils me maintiennent à flot. À d'autres moments, leur courant redoutable menace de m'emporter.

 Massachusetts, années 1960. Billie et Eva ont du mal à se contenter du bonheur en sourdine auquel sont promises les mères au foyer. Malmenées par leurs maris, elles ne puisent aucun réconfort dans la vie domestique. Mais maintenant qu'elles sont amies, plus rien ne les condamne à la solitude : elles partagent leurs tourments, se comprennent, retrouvent ensemble le goût de vivre. Et peut-être même l'envie de tout recommencer.
Mais ces deux femmes éprises de liberté peuvent-elles vraiment vivre leur rêve au grand jour ?


Extrait :

 Ma tête tournait après toutes ces lumières et tout cet alcool. L'air avait un millier d'odeurs. C'était un carnaval de sensations, dont je n'arrivais pas à me rassasier. Comme je ne pouvais me rassasier d'elle.
- Nous pourrions habiter ici, lançai-je.
- Qu'est-ce que tu dis ? demanda-t-elle en me tirant par la main pour traverser la rue.
En arrivant de l'autre côté, j'étais à bout de souffle.
- Nous pourrions vivre ici, répétai-je. Ensemble.
Et le mot resta suspendu entre nous, vibrant et bourdonnant comme l'enseigne au néon de la pizzeria à côté de laquelle nous nous trouvions.
À la lueur du restaurant ouvert toute la nuit, je vis soudain que le mascara d'Eva avait coulé sous ses yeux, que l'ourlet de sa robe était défait. Je sentis ma gorge se nouer. J'avais juste besoin qu'elle dise oui. Qu'elle partage ce rêve avec moi. Mais elle ne dit rien. À la place, elle prit mon visage entre ses mains et m'embrassa. En pleine rue. Devant le couple assis à la fenêtre, en train de déguster une pizza. Devant les taxis, les clochards et les marins en permission. L'espace d'un instant, je sus que ce n'était pas inconcevable, que nous pouvions partir. Que nous avions une chance à saisir.


Avis :

 Un livre saisissant et triste ; d’une puissance monstrueuse. On découvre la vie de Billie, son existence dans les années 1960. Une époque où les femmes sont parfois encore traitées comme des esclaves, prisonnière de leur mari et de leur quotidien familial. S’occuper de la maison, des enfants, des courses, du dîner. Dans ce roman, ce n’est pas seulement la destinée de ses femmes qui est difficile ; mais les préjugés et la compréhension de chacun. Il y a, en ce temps-là ; de l’homophobie, de la xénophobie. Il faut être bien vu par tout le monde et être « normal », pour éviter les insultes et tout ce qui en découle. Billie est traitée comme une folle, une malade ; pour être tombée sous le charme d’une femme. La normalité se trouve dans le fait de se faire « battre » ou de se faire « humilier » par son époux ; où est la logique du monde ? Ce livre montre en partie le sexisme, existant depuis longtemps. La femme n’est pas un objet, c’est une humaine ; avec des sentiments et des envies, on doit les accepter, quels qu’ils soient.

Billie est âgée, pourtant en très bonne santé. Solitaire, loin de ses filles et de sa sœur ; elle est en forme, mais garde des souvenirs douloureux. Son passé n’est pas tout rose : un mari alcoolique et d’une certaine façon violent, des filles adoptives après plusieurs fausses-couches et une nouvelle voisine devenant sa plus proche amie. Mais les sentiments vont être bien plus forts, la femme d’en face l’affecte profondément. Les choix de Billie m’ont semblaient justifiés et compréhensibles, elle n’a aucun reproche à se faire — sauf celui de ne pas avoir suffisamment protégé ses filles de son secret ayant toujours existé. J’ai beaucoup aimé cette femme, avec une sensibilité exacerbée par les pertes et surtout par une difficulté à s’accepter. Elle est douce, attachante et déterminée à vivre avec son amour. Le cœur est plus fort que la raison, en soi c’est le bonheur qu’elle choisit et elle a bien raison.

Et puis, il y a notre belle voisine ; Eva. Maman de quatre enfants, avec un mari difficile et agressif. C’est une femme attachante, malheureusement on n’est pas dans son esprit avec ce roman ; du coup pour se lier vraiment à elle c’est compliqué. Toutefois, les moments qu’on découvre à son côté sont vraiment intéressants. C’est une bonne mère, elle est sage et calme avec beaucoup plus de douceur que Billie. Une protectrice, une battante ; pourtant elle se cache et le fait d’avoir quatre enfants ne lui facilite pas la vie pour prendre des décisions. Je me suis prise d’affection pour Eva à travers Billie.

Cette synopsis fourmille de sentiment réel et bouleversant. Elle m’a touché au plus profond de moi-même en tant que femme, surtout avec une romance pas comme les autres, mais totalement respectable et adorable à suivre. Malgré une certaine cruauté dans la vie de nos protagonistes féminins, elles donnent de l’espoir et essayent de sourire. Le suspense est présent du début à la fin, certes au début du roman on ne sait vraiment pas dans quoi on se lance ; mais plus les pages défilent et plus on est pris dedans, par les héroïnes et leurs enfants. Les longueurs empêchent une certaine addictivité au récit, c’est le seul reproche que je vais faire sur « Mémoire d’elles ». Il y a énormément de rebondissements, puisque les révélations doivent se faire et les décisions sont nécessaires pour « avancer ».

T. Greenwood détient un sujet passionnant avec cette œuvre, un thème inabordé ; surtout avec autant de détail. Généralement quand je suis captivée par un livre, je le lis d’une traite. Au contraire avec celui-ci, j’ai mis beaucoup de temps pour le découvrir ; entre longueurs et sujet poignant, c’est une lecture délicate. L’auteur charme facilement, avec une plume à la fois douce, détaillée et retransmission d’émotion parfaite. C’est clairement une écrivaine de talent, utilisant toujours les mots justes au bon moment.

En conclusion, c’est une histoire d’amour entre femmes et une romance adultère, puisque nos deux héroïnes amoureuses l’une de l’autre sont mariées. J’ai apprécié et aimé ce récit, pour sa réalité et son thème. Un beau message, avec un côté historique sur la place des femmes pendant les années 60 dans la société Américaine. Je pense malheureusement que ce n’était pas seulement en Amérique que les femmes étaient des « femmes de foyer ». Le plus envoûtant dans ce roman, c’est bien évidemment l’alternance entre passé et présent, on est dans la nostalgie de Billie ; la rendant entièrement vivante. Le suspense et les émotions, que dire ? Les deux points forts de cet ouvrage, c’est tellement plus qu’une histoire d’amour, la narration parle d’acceptation, de secret, de famille, et en partie de violence. Un récit sincère et profond, une romance impossible sur un style contemporain et historique. On tombe sous le charme de la plume de T. Greenwood, en dépit des quelques longueurs atténuant l’impact du sujet et de l’attachement qu’on peut avoir pour Billie et Eva.


Note :
9/10.

1 commentaire:

  1. Ce n'est pas la première fois Je j'entends parler de ce roman et il me tente encore une fois 😊

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