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14 févr. 2021

Un goût de cannelle et d'espoir.


Titre : Un goût de cannelle et d'espoir.
Auteur : Sarah McCoy.
Genre : Historique.
Edition : Pocket.
Nombre de page : 491 pages.
Prix : 8.40€.


Résumé :

 Allemagne, 1944. Malgré les restrictions, les pâtisseries fument à la boulangerie Schmidt. Entre ses parents patriotes, sa sœur volontaire au Lebensborn et son prétendant haut placé dans l'armée nazie, la jeune Elsie, 16 ans, vit de cannelle et d'insouciance. Jusqu'à cette nuit de Noël, où vient toquer à sa porte un petit garçon juif, échappé des camps...
Soixante ans plus tard, au Texas, la journaliste Reba Adams passe devant la vitrine d'une pâtisserie allemande, celle d'Elsie... Et le reportage qu'elle prépare n'est rien en comparaison de la leçon de vie qu'elle s'apprête à recevoir.


Extrait :

 Les pas de Mutti craquèrent sur le plancher. Elsie jeta un oeil au papier peint mal collé pour s'assurer que la voie était libre.
- Tu dois te sentir mieux ? demande Mutti en entrant avec un plateau sur lequel était posée une soupe de panais aux oignons. Ça fait plaisir de te voir réveillée.
- J'écrivais à Hazel, lança Elsie en montrant du doigt la feuille de papier.
Mutti posa le plateau à côté.
- Tu veux que je la poste pour toi ?
- Ce n'est pas urgent, répondit Elsie en la pliant.
Mutti n'était pas de nature curieuse, mais Elsie ne pouvait pas prendre le risque.
- J'irai moi-même dès que me sentirai mieux. Ça m'aide de faire comme si elle était auprès de moi, ajouta-t-elle en cornant la lettre. Elle me manque.
Mutti remonta la couverture.
- Je suis contente qu'elle t'écrive. Papa et moi n'avons plus reçu un seul mot depuis plus d'un mois.
Elle déplaça la cuillère sur le plateau.
- Elle est occupée, continua-t-elle. Et avec la guerre...
***
Elsie leva des yeux pleins de tendresse vers sa mère.
- Hazel m'a demandé de vous transmettre tout son amour à Papa et à toi. Elle a l'air de se porter mieux que nous tous.
Elle ne voulait pas que Mutti s'inquiète.
Mutti massa le bout des doigts d'Elsie pour faire circuler le sang.
- Gut. Ça me rassure. N'oublie pas de lui dire combien nous l'aimons dans ta lettre. Je dois retourner auprès de ton père. J'ai profité d'une accalmie pour t'apporter ton repas. Mange pendant que la soupe est encore chaude.
Elle se leva et se dirigea vers la porte.
- Mutti, la rappela Elsie. Je pourrais avoir encore quelques petits pains, s'il te plaît ?Mutti hocha la tête.
- L'appétit revient, se réjouit-elle. Excellent signe.
Elsie écouta les pas s'éloigner pour se rapprocher de nouveau quelques minutes plus tard.
- Tout droit sortis du four de Papa. Et un petit morceau de beurre que j'avais caché dans l'armoire.
Mutti posa l'assiette sur le plateau.
***
D'en bas, la voix de Mutti lui parvenait à travers le plancher en pin, alors qu'elle accueillait les clients.
Elsie vérifia que la porte était fermée et tendit l'oreille avant de sortir de sous la couette, une clé dans la main. Le sol était plus chaud que l'air, très agréable sous ses pieds. Une dois la serrure fermée, elle murmura.
- Tobias ?
Le pan du mur du fond s'écarta.
- De la soupe de panais.
Tobias s'extirpa de l'espace confiné, vêtu d'un pull torsadé noir qui ressemblait plus à une robe sur lui. Le ventre de Papa n'y entrait plus depuis longtemps et le pull restait là, inutile, au fond du coffre en cèdre. Papa n'avait jamais remarqué son absence. Avec la température dans les chambres à l'étage, Elsie ne pouvait pas prendre le risque que Tobias attrape froid et se mette à renifler jusqu'à ce qu'on le découvre.
Elle s'empara du petit pain et le tartina de panais, d'oignons, de carottes et de choux. Sur l'autre, elle étala du beurre.
- Tiens.
- Et toi ? chuchota Tobias.
Ses yeux brillaient.
Jusqu'à ce jour, son estomac n'avait pas été capable d'ingérer plus que du thé, du bouillon et des bretzels qu'elle trempait pour ne pas avoir à mâcher. Par conséquent, Tobias avait mangé la même chose. Alors qu'Elsie maigrissait, étonnamment, ce régime profita à Tobias. Ses joues se gonflèrent, son vente se remplit, lui donnant plus l'apparence d'un garçon que d'un spectre. Même s'il parlait rarement, Elsie s'était attachée à sa compagnie, comme les elfes imaginaires de son enfance qui vivaient dans les cabanes de jardin et les armoires en bois.
- Va manger là-bas, c'est plus sûr.
Tobias acquiesça et retourna derrière le mur. Il se glissa entre les planches et entraîna l'assiette avec lui.
Ça avait été leur quotidien depuis Noël.


Avis :

 Une lecture très inhabituelle pour moi, l’historique est un genre que je redoute, par peur de m’ennuyer avec les histoires du passé. Au final, c’est très enrichissant, à travers ce roman on découvre la seconde guerre mondiale à travers les yeux d’une Allemande, et on rencontre aussi une femme d’aujourd’hui vivant en Amérique. En effet, le récit se découpe avec des chapitres s’alternant entre passé et présent, avec ces deux héroïnes différentes. J’ai voyagé avec cette œuvre, tout en vivant les péripéties de chaque personnage. Néanmoins, je n’ai pas perçu les émotions souhaitées, parfois cette nuance du livre est mise au second plan, et principalement sur la fin que j’ai jugé moins développée que les 400 premières pages. Sur les premiers chapitres, je me suis plongée difficilement dans l’histoire, en cause une longueur insoutenable, et, petit à petit, j’ai tourné les pages de plus en plus vite ; par curiosité et passion.

Elsie Schmidt a 16 ans, jeune allemande pendant la guerre de 1939 à 1945. Au côté de ses parents qui tiennent une boulangerie, elle les aide pour confectionner le pain, les viennoiseries et pâtisseries ; tout en les vendant. En tant de guerres, la plupart se cachent et ne pensent plus vraiment par eux-mêmes. Cette héroïne est encore insouciante, surtout avec sa famille patriotique ; malgré les aliments manquants, sa sœur aînée loin d’elle et un homme nazi en tant que prétendant. Jusqu’à sa rencontre avec le jeune Tobias, elle commence à avoir peur, mais aussi à se faire sa propre opinion de la guerre. Elle comprend alors que le monde est cruel, principalement les humains envers les humains ; elle se découvre alors une âme protectrice et généreuse. Elle grandit au fil des mots, je me suis vraiment attachée à elle et à sa façon d’évoluer. Elsie devient une femme, une adulte très tôt ; son courage et sa force d’esprit sont porteurs d’espoir et de fierté.

En 2008 au Texas, une femme se nommant Reba doit écrire un article pour Noël, elle choisit alors la boulangerie d’Elsie. Sa rencontre avec cette dame et sa fille, le lieu, vont lui apporter bien plus qu’un simple papier pour le journal. Elle reçoit alors, un partage, pour lui faire ouvrir les yeux sur sa propre vie. Reba, n’est pas forcément attachante ou agréable au début, très agaçante sur les bords et ne sachant pas ce qu’elle veut. Mensonge après mensonge, elle s’est créé une autre personnalité durant ses années d’université, se sentant seule et incomprise ; depuis, elle ne sait plus comment revenir sur son imposture. Grâce à Elsie et sa fille, elle va redevenir elle-même, mais c’est surtout le fait de communiquer enfin avec sa sœur Deedee, qu’elle se libère de ses peurs et de son passé. Cette héroïne est vraiment imparfaite, c’est ce qui fait tout son charme et son histoire, elle est plaisante malgré ses fuites constantes et ses doutes incessants. Sa métamorphose est inattendue, tout en étant essentielle pour le cours du récit ; la rendant humaine et touchante.

Dans ce style de roman, les personnages secondaires sont très importants et offrent bien souvent une énergie différente. La fille d’Elsie, Jane, est une protagoniste que j’ai vraiment adorée. Drôle et très dynamique, joyeuse avec le cœur sur la main ; l’histoire sans elle serait plus terne et moins « vivante ». En effet, c’est une héroïne pleine de vitalité, respirant le soleil et la simplicité. Et puis, on découvre aussi Riki, le petit-ami de Reba ; je suis plutôt sceptique sur ce héros. Il n’est pas réellement indispensable au synopsis, toutefois il permet de faire connaissance avec le monde de l’immigration et ses conséquences. Parfois, Riki semble passif et laisse les évènements se produire sans réagir. Mais, comme Reba, il opère des changements dans son existence au fil des pages.

Un récit fort, en dépit d’un manque d’émotion sur certains passages. Cette histoire est authentique, peut-être au plus proche de la réalité et de la vérité, traversant plusieurs générations, l’expérience de la Seconde Guerre mondiale et l’après. Le déroulement de ce livre est intense, parfois déstabilisant et plusieurs scènes m’ont manqué pour avoir un coup de cœur absolu ; dont le développement du flirt, de la séduction entre Elsie et son mari, le moment où elle s’envole pour l’Amérique. Deux moments pourtant intimes et, donc, majeurs pour engendrer plus de sentiment. Le plus mystérieux dans cette œuvre, c’est bien évidemment le prologue ; jusqu’à la dernière page, il est énigmatique. De plus, le suspense se trouve dans l’évolution de Reba, dans les choix qu’elle va faire, mais aussi dans les épreuves d’Elsie, on est surpris à chaque instant par les faits de son passé et ses réactions. Dans mon cœur et ma tête, cette histoire est inévitablement unique ; je saisis pour la première fois la portée de cette guerre. Ce livre est l’idée de faire témoigner des héros de fiction et de donner une part belle à la voix des femmes.

J’explore enfin pour la première fois la plume de Sarah McCoy, et quelle belle surprise ! Certes, il y a des tournures de temps en temps dérangeantes et inhabituelles, comme les termes allemands. En fin de compte, c’est plutôt une belle manière de garder l’univers en place et permet un voyage tout à fait concret. J’ai beaucoup apprécié les chapitres avec les lettres, ce petit côté épistolaire, cela coupe un peu le rythme de l’histoire ; mais cela donne aussi une grande beauté à l’ouvrage. L’écriture de Sarah est à la fois poétique et recherchée, le langage est soutenu et tout en précision. La variation des points de vue est vraiment intéressante dans ce roman, avec les dates et lieux pour chacun d’eux. La narration est à la troisième personne du singulier, pour autant, je ne m’en suis pas formalisée durant tout le scénario.

« Un goût de cannelle et d’espoir » n’est certes, pas un coup de cœur ; cependant, c’est un roman merveilleusement bien écrit et profondément enrichissant sur les sujets abordés. Je ne me suis pas tout de suite plongée dans l’histoire, les longueurs du début et le genre que j’appréhende à chaque fois en sont les causes. Et puis, sont venus les chapitres exceptionnellement captivants et c’est devenu un récit addictif, avec une étincelle qui s’est allumée dans les passages sur Elsie en 1944. Une héroïne développée à la perfection, avec une impression qu’elle a réellement existé et qu’elle est une « amie » pour moi. Je quitte ce livre avec un déchirement au cœur, cette jeune fille riche du cœur à souhait, me manque déjà. Reba paraît moins agréable aux premiers abords ; or, elle devient vraiment plaisante après les échanges avec les autres personnages. C’est une femme qui apprend et grandit, elle s’élève positivement, s’abreuve et s’enrichit à la suite de ses rencontres. Dans ce récit historique, le suspense à sa place ; les révélations et les découvertes se font naturellement. Enfin, mon plus grand regret s’exprime sur les émotions, c’est une histoire bouleversante dans sa réalité, en dehors de ça et de mon ressenti envers Elsie, je suis plutôt sur ma faim et principalement sur le dénouement, plus hâtif que l’ensemble du texte. Un beau roman, dans toute sa véritable splendeur ; d’une plume frappante et harmonieuse. Sarah McCoy est une auteure parlant de sujets historiques, tout en y apportant une touche moderne.


Note :
8.5/10.

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