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12 juil. 2020

L'arrache-mots.


Titre : L'arrache-mots.
Auteur : Judith Bouilloc.
Genre : Fantasy.
Edition : Hachette.
Nombre de page : 295 pages.
Prix : 15.90€.


Résumé :

« La phrase s'écoula de ses lèvres lentement.
Les enfants retinrent leur souffle.
Les caractères se décollèrent de la page en tremblotant, ils virevoltèrent sous le nez de la jeune femme avant de dessiner quatre silhouettes distinctes. »

 La jeune Iliade a un don merveilleux : le pouvoir de donner vie aux mots et aux histoires. Ce dont fait d'elle la bibliothécaire la plus célèbre de tout le royaume d'Esmérie. Le matin où elle reçoit une demande en mariage presque anonyme, elle n'est sûre que d'une chose : son prétendant est un membre de la famille royale. Iliade décide de se rendre dans la capitale pour en savoir plus sur cette mystérieuse proposition. Là-bas, elle découvre les fastes de la cour... et la froideur de son fiancé. Surtout, elle se retrouve propulsée au coeur d'intrigues et de complots auxquels rien ne la préparait...


Extrait :

 Mamie Cassandra s'était levée d'un bond en voyant surgir sa petite-fille d'entre les charmes.
- Ma chérie, que s'est-il passé ? Que fais-tu dans cette tenue ? Tu... pleures ?
- J'ai rencontré mon fiancé. Je crois bien que je viens de vivre le chapitre le plus avilissant de toute mon existence !
- Oh, le chien ! Le misérable ! Je vais lui faire payer son crime !
- Aide-moi plutôt à remettre en place cet instrument de torture ! marmonna-t-elle en lui tendant son corset puis sa robe.
Derrière un buisson d'azalées, la grand-mère laça en vitesse le corset d'Iliade, puis arrangea l'étoffe de sa robe. Sans les jupons et l'armature métallique, l'ensemble était assez curieux.
- La jupe est toute dégonflée. On dirait un soufflé retombé. Ce n'est pas grave, au moins ta pudeur est sauve !
Quant à ce malotru, il va voir tout de suite de quel bois je me chauffe !
La grand-mère retroussa ses manches avant de brandir son ombrelle en dentelle.
- Mamie, je t'en prie, ne jette pas de l'huile sur le feu et... euh... de feu tout court ! la pria Iliade tout en luttant pour boutonner les poignets de sa robe.
Mais la vieille dame était déjà partie à l'assaut de la charmille, bien décidée à régler son compte à l'individu qui avait - semblait-il - agressé sa petite-fille.
Avant même que mamie Cassandra n'air apostrophé Adil Tarlyn, celui-ci lui lança :
- Madame Livrani, vous vous méprenez !
Mais il eut beau tenter de lui expliquer la situation, il reçut quelques coups d'ombrelle bien placés avant que Florent d'Alphand finisse par rétablir la vérité. La grand-mère apaisée, Adil Tarlyn rassembla ses esprits et trouva Iliade. La jeune fille était occupée à essayer de ligoter ses boucles rousses. Sa course à travers les jardins l'avait rendue plus échevelée qu'à l'ordinaire. Avec sa robe informe, sa tignasse rouge hirsute, ses mollets et ses pieds nus, elle ressemblait à tout sauf à une dame de la cour.
- Mademoiselle Livrani...
Iliade se retourna et rencontra Adil Tarlyn pour la seconde fois de l'après-midi.
- J'ai tenté de vous rattraper, mais votre grand-mère a essayé de me trucider à coups de parapluie. Elle a... comment dire... totalement pris feu. Florent est en train de la calmer.
Iliade ne put s'empêcher de sourire en voyant l'état du chapeau haut de forme de lord Tarlyn. Mamie Cassandra l'avait défoncé avant de le carboniser.


Avis :

 Je retrouve dans cette lecture, un univers semblable de celui de « La Passe-Miroir » ; tout en étant moins complexe et plus agréable à lire. À travers cette histoire de pouvoir magique, de mariage arrangé et de royauté mystérieuse ; j’ai réellement voyagé dans un monde féérique, poétique et passionnant. Malgré un ouvrage court, le plaisir n’est pas altéré ; bien au contraire, les détails et les développements sont totalement en harmonie avec les intrigues. Peut-être, la fin est-elle moins étincelant, que le récit en lui-même ; mais en vérité, je n’imagine aucune autre conclusion à ce roman à la fois jeunesse, mature, simple et pourtant captivant. Sans rien vous cacher, les lumières de ce livre naissent dès les premières pages ; dans une plume sublime et grâce à une héroïne amoureuse de la littérature.

Iliade est une arracheuse de mots, la plus douée d’Esmérie. Son pouvoir est de donner vie aux histoires, de transformer les mots en illusions. Elle dévore les livres jusqu’à oublier le réel, je me suis forcément reconnue en cette héroïne pleine d’aspiration comme l’amour. Iliade est vraiment une bouffée d’air frais, drôle et pleine de répartie ; de plus, ce n’est pas une jeune femme attirée par la splendeur de la royauté, bien qu’elle soit curieuse. Elle commence à s’ouvrir au monde tangible, pour se créer sa propre histoire ; cependant, le fictif est une source de soutien pour elle. Iliade réagit parfois comme une adolescente, et justement cela permet d’observer une évolution vers sa vie d’adulte ; on s’attache doucement et naturellement à cette protagoniste fascinante.

Le personnage d’Adil présente beaucoup de mystère, blessé physiquement et mentalement par son passé. C’est le neveu du roi, qu’il considère comme son père ; le seul à le comprendre. De plus, son don n’est pas facile à gérer au point où il cherche la solitude. Je me suis réellement prise d’affection pour cet homme, taciturne et différent. Sa façon de s’exprimer est à la fois « romantique » et « sauvage », les plantes et les fleurs parlent pour lui. Derrière ses propos parfois rudes, c’est un héros avec un manque d’assurance, et principalement dans le fait de séduire une demoiselle. Pourtant, j’ai perçu énormément de charisme venant de lui, une certaine sagesse en dehors de sa fonction de juge. Adil n’est toutefois pas toujours présent dans le récit, et j’ai ressenti un petit manque durant ses absences.

C’est un univers de fantasy jeunesse, à la fois riche et simple. Des références littéraires accompagnent l’intrigue, invitant le lecteur à découvrir certains classiques ; une idée parfaitement maîtrisée. L’ambiance de cette œuvre est mystérieuse et romancée, en effet ; la relation entre Iliade et Adil est complexe et surtout pleine de non-dits. Concrètement, l’histoire d’amour est passionnante avec des moments de tension intense. Cependant, la romance n’est pas la clé de « L’arrache-mots », la trame se base totalement sur l’aptitude de l’héroïne, sur ce qu’elle peut faire avec des phrases rédigées. Entre magies, complots dans la cour royale et alliance à créer ; ce roman aborde les jugements, les sentiments cachés et les prises de conscience. Les émotions prennent de l’équilibre dans les annotations culturelles, c’est là que j’ai ressenti les états d’âme d’Iliade. De plus, son pouvoir impose une certaine originalité, malgré des similitudes avec « La Passe-Miroir » et des influences légendaires telles que « La Belle et la Bête » et « Orgueil et Préjugés ». 

Quel bonheur de lire cette plume ! Judith Bouilloc écrit avec tellement de poésie, ses mots sonnent harmonieusement et comme une musique. Les détails enrichissent pleinement le récit, sans pour autant le rendre élaboré. En effet, l’auteure signe avec une écriture spontanée, fluide et invariablement rythmée. Entre imagination et inspiration, Judith révèle un style pour lequel elle m’a transporté. Elle reprend des citations venant d’œuvres littéraires classiques, partageant son savoir et son goût pour les belles-lettres.

Ce n’est pas un genre dans lequel je suis particulièrement à l’aise et pourtant, c’est presque un coup de cœur. J’ai passé un moment magnifique dans la royauté de Babel, tout en m’attachant à Iliade, l’arracheuse de mots d’une sensibilité prenante ayant un pouvoir enviable et à Adil, un homme énigmatique au cœur réservé. Une intrigue bien mise en place, possédant sa singularité et ses banalités. Le suspense est manifeste durant tout le roman et en dehors d’une fin en manque de relief, l’ensemble se fait cohérent. Les sentiments offrent une vraie morale, et cela donne une atmosphère beaucoup plus réelle à cette fantasy. Dans les grandes lignes, la romance laisse une empreinte de douceur et de vie. Judith Bouilloc imprime un récit féérique, bercé par une écriture mélodique ; sa plume est ancrée dans ma tête et mon cœur à jamais. Certes, c’est une révélation littéraire courte, un univers guidé par « La Passe-Miroir » ; pourtant, pour moi « L’arrache-mots » est un one-shot bien à part, faisant écho à ma passion pour les romans.


Note :
9/10.

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